Santorin, va-t-elle être victime de son succès ? Lorsqu’il y a un fort potentiel de développement économique, les yeux se ferment sur les risques à moyen ou long terme. Parce que Santorin est une île fragile et que la manne touristique semble être intarissable, certains mettent en garde et veulent limiter le sur-tourisme.
L’Europe alerte
Le Parlement européen, dans une étude datant de l’automne 2018 et publié en janvier 2019 met en garde et pointe plusieurs pistes afin d’offrir à Santorin un futur agréable à ses habitants et pour ses touristes.
L’étude qui cible plusieurs dizaines de destinations touristiques en Europe utilise l’île de Santorin comme une étude de cas. Nommée « Research for TRAN Committee – Overtourism: impact and possible policy responses« , l’étude est téléchargeable depuis la page dédiée sur le site du Parlement européen. Outre les constats globaux et les recommandations génériques, on y apprend pour Santorin que :
- plus de 500 mariages de touristes y ont lieu chaque année
- 5,5 millions de nuitées en 2017 (+66% depuis 2012)
- 2 millions de visiteurs annuels en 2018
- 630 bateaux de croisières en 2015 transportant environ 800000 passagers et jusqu’à 18000 visiteurs par jour débarquant sur l’île. Avec les récentes limitations introduites par l’île, il n’y a eu plus que 620000 passagers en 2017
- Un ratio de 107 touristes pour 100 habitants et 220 touristes par km2/jour en moyenne
- 15-20% de la surface de Santorin est construite – à comparer avec les 1% moyens constatés sur les autres îles grecques
- Revenus du tourisme : 1 milliard d’euros par année
? Une des activités phares à Santorin est l’excursion en bateau jusqu’au volcan encore actif au centre de la caldeira.
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Depuis cette étude, les chiffres sont encore plus alarmants :
- 3,4 millions en 2024 (10% des visiteurs de toute la Grèce)
- Des pointes à 1000 personnes au km2 au plus fort de la saison
- 500 bus, 4000 minibus
Les appels du maire de Santorin
Mais ce n’est pas tout. Au printemps 2024, le maire de Santorin Nikos Zorzos a donné de la voix, lors d’une conférence de 2 jours sur les stratégies de transition pour les Cyclades ainsi que lors d’une autre conférence portant sur l’insularité et la durabilité. On y apprend que :
- La consommation d’eau explose. Entre 2012 et 2019, la consommation a doublé. Puis de 2019 à 2022, elle a pris 18%. Et sur la seule période 2022 – 2023, elle a encore augmenté de 22%. L’usine de dessalinisation située à l’entrée d’Oïa qui devait couvrir les besoins (et s’amortir sur 15 ans) est déjà au maximum de ses capacités en seulement 5 années.
- La consommation électrique suit la même courbe vertigineuse. De 32MW durant le pic estival de 2019, on est passé à 59MW l’année passée et les projections pour 2024 dépassent 65MW.
- L’absence de réponse de l’État face à la demande, dès 2012, de déclarer Santorin comme zone saturée afin de mieux contrôler les impacts négatifs liés au surtourisme.
- Les règles de construction et les spécificités architecturales locales sont négligées et les nouvelles constructions ne tiennent pas compte du contexte historique de Santorin. La faute à des lois sur la construction flexibles, une forte bureaucratie, un déficit marqué de personnel dans les services de l’État pour répondre à temps aux demandes mais aussi des décisions prises directement depuis Athènes grâce au statut « d’investissement stratégique », procédure accélérée mise en place suite à la faillite de l’État et faisant fi des contraintes urbanistiques ou environnementales par exemple.
- Ce qui est construit peut difficilement être déconstruit et le point de bascule est déjà atteint pour certaines îles des Cyclades. Les impacts sur les écosystèmes et la nature sont bien réels et pourtant la pression du tourisme et du développement économique les rendent difficilement audibles. Promouvoir un développement économique compatible avec une approche durable des territoires est la ligne de crête à suivre pour assurer un futur viable aux générations suivantes.
Conséquences du surtourisme à Santorin
Les points négatifs listés ci-dessous ont surtout lieu en été et plus largement de mai à octobre :
- Trop de touristes dans les quartiers résidentiels
- Trop de bateaux de croisières
- Ratio touristes/habitants trop important
- Un (relatif) désintérêt pour la destination : -8% d’arrivées internationales en 2023
- Problèmes environnementaux, manque d’infrastructures liées à la gestion des déchets, à l’énergie, à l’eau, aux transports et moyens de déplacements
- Planification urbaine dépassée et incapable de lutter contre l’artificialisation des sols
- Plaintes des touristes contre… les autres touristes
- Embouteillages
- Incivilités et sur concentration de personnes
- Trop de Airbnb et de locations courtes qui nuisent aux locaux qui ne peuvent plus se loger
- Problèmes de voisinage et perte de repères des locaux qui ne reconnaissent plus leur île et qui sont forcés de changer leurs modes de vie
Les experts pointent du doigt la surexploitation des ressources locales, un appauvrissement de l’environnement, des pressions fortes sur les infrastructures et des tensions sociales. Mécaniquement, le surtourisme qui apporte la prospérité actuelle des îles des Cyclades se retournera contre les habitants : au fur et à mesure que l’attrait pour les îles grecques diminuera à cause des problèmes liés au trop fort volume de vacanciers, la santé économique se détériorera. Les habitants se retrouveront alors avec un environnement définitivement dégradé et plus assez de rentrées d’argent pour faire face.
Une intervention du maire de Santorin qui parle avec son cœur (sous-titrage en anglais)
Mesures déjà prises sur Santorin pour contrer le surtourisme
Depuis 10 ans, les officiels locaux n’ont pas su répondre à l’accroissement de la demande touristique. Avec le gouvernement central et le ministère du tourisme, ils se renvoient la balle et le sujet de la construction n’est pas réglé. Néanmoins, la mesure symbolique de quotas de bateaux de croisières est un premier geste symbolique et fort (8000 personnes maximum par jour). Difficile à appliquer, des améliorations sont prévues pour 2025. En projet, des contrôles et des quotas sur les arrivées par bateau, même depuis les liaisons inter-îles pour cibler les visiteurs à la journée (depuis la Crète par exemple).
Autre fait marquant : la fédération des hôteliers de Santorin s’est engagée à ne plus proposer de lit supplémentaire. Dernière tentative de sauver ce qui peut encore l’être ?
Les experts du rapport européen considèrent la destination comme étant « à risque ». La gestion et la régulation des flots de touristes est nécessaire pour préserver l’image de la destination, prévenir les détériorations et préparer l’avenir touristique et l’attractivité de Santorin.